La Belle et la Bête

by - février 24, 2018



LA BELLE ET LA BÊTE
Jean Cocteau

En 1946, Jean Cocteau réalise l’œuvre qui restera son plus grand succès au cinéma, La Belle et la Bête. Ressorti en 2013 après avoir été restauré en 4K, c'est dans ces conditions que je retrouve un film qui m'avait fascinée alors que je n'étais qu'une toute petite fille. Et qui fut ma référence pour tous les films qui portèrent ce nom.


Est-ce vraiment la peine de vous raconter le début de la Belle et la Bête. Il est vrai que l'histoire varie au fil des adaptations. Celui-ci commence à la campagne, dans un lieu indéterminé. Un père, ses trois filles Félicie, Adélaïde, Belle et leur Frère Ludovic se sont réfugiés. L'homme est en faillite après que ses bateaux ne soient jamais rentrés au port. Ludovic qui semble indissociable de son meilleur ami Avenant, passe ses journées, à boire, jouer, et perdre l'argent qu'il n'a pas. Avenant est épris de la plus jeune des filles, Belle, mais celle-ci refuse ses avances à cause de la situation de sa famille. Un jour alors que les deux aînées se sont parées de leurs plus beaux atours pour aller chez une duchesse, le père rentre, un bateau est enfin arrivé au port. Des le lendemain il prend son cheval, pour rallier le-dit port qui se situe à plusieurs heures de routes. Chacun de ses enfants, lui demande quelque chose. Belle, demande une rose.

Ce film commence par le générique le plus charmant qu'il m'est été donné de voir. Sur un tableau noir, ou l'on aperçoit encore les dessins de visages, si caractéristiques de la partie dessinée de l’œuvre de Cocteau, il écrit nom de ses acteurs et des personnes ayant collaboré au film. Le premier est celui de Jean Marais, un homme dont on ne voit que la silhouette en contre jour, se détache, se lève. On reconnaît facilement l'acteur qui efface son nom, puis part. Chaque nom ensuite apparaîtra, écrit par l'artiste, dont l'écriture fait partie intégrante de son œuvre. Puis c'est autour d'un texte toujours écrit de sa main qui nous rappelle la manière dont enfant nous percevions les contes, et nous demande de nous remettre dans cet état d'esprit.
Ce magnifique générique à pour particularité de nous préparer à recevoir ce conte de fées
Je me souvient de l'intense plaisir que j'avais eu à le découvrir étant enfant, et je m'aperçois aujourd'hui à quel point il parle aux adultes aussi. Il est universel.

Il n'y a pas que le générique qui ancre ce film dans notre enfance. Quelle qu'elle soit. La belle est la bête, est un conte qui est dans notre patrimoine depuis le XVIIeme siècle. C'est une lumière, une femme, une journaliste,une écrivaine (la première que l'on pourrait qualifier d'écrivaine de genre). Madame Leprince de Beauvois, qui l'a écrit, lui et une soixantaine d'ouvrages de contes. Celui-ci a traversé les ages. Et on l'a tous lu, vu,ou entendu dans notre enfance. Et il nous y renvoi directement.
De même manière, le réalisateur utilise un référentiel, ou s'inspire d'illustrations de livres de contes de fées pour créer son univers. Il y a une réelle filiation entre les gravures de Gustave Doré et l'esthétisme qu'il a réussi à créer. C'est un artiste complet entre autre illustrateur, et graveur qui a
consacré une petite partie de son travail à illustrer des contes, tel que les nouveaux conte de fées de la comtesse de Ségure, ou les contes de la mère l'oye de Perrault.
La Bête ressemble à sa gravure «le chat botté»; la table où la Belle et la Bête se retrouvent chaque soir semble sortie de celle nommée «les fées»; tout comme la chambre de Belle qui ressemble beaucoup à celle de «de la belle au bois dormant». Ça lui permet de créer un monde extraordinairement riches en détails, cohérent, est aussi féeriques pour les enfants que pour les adultes.

Les décors gardent aussi cette inspiration et se complexifient.
La réalisation pose la question du décors est-il animé ou inanimé. Si tout ce qui se passe hors du château reste très cartésien. Et d'une lisibilité sans obstacle. Dès que l'on entre dans cette zone enchantée tout est différent. Des chandeliers qui ont la forme de bras humains, capables de vous indiquer une direction. Ils sont autant inquiétants que fascinants. Les statues et les colonnes ont des visages humains, où peuvent prendre vie si besoin. Le décors initie la magie qui se trouve dans le film. Mais les accessoires aussi, une paire de gants, un miroir, un collier. Il y a de la magie partout

Cette magie doit aussi beaucoup à ce que l'on appel aujourd'hui les effets spéciaux, mais qui portaient à l'époque le nom tout mignon de
trucages. 
C'est un éventail de diverses techniques, plutôt avancées pour la période. Sans pour autant cracher sur les plus simples comme au moment des téléportations, où les techniques utilisées sont un hommage aux films de Mellies. Les carnets qu'a écrit Cocteau autour de la création de ce film, témoignent de la réflexion qu'il y a autour d'eux voire de la machinerie. Mais il y a aussi des scènes montées à l'envers donnant un aspect surréaliste aux mouvements. Cocteau utilise une «fondue enchaînée» sur un visage. C'est 
quasiment du morphing en 1945. magique.

La bête est avant tout, le travail d'un homme. Celui de l'acteur Jean Marais . Il incarne plusieurs personnages dans ce
film. Mais pour celui ci, il se meut comme une animal sauvage, une scène ou il boit est vraiment bouleversante.
Je trouve que c'est une des bêtes les plus réussie. Le masque a été imaginé par un des perruquiers les plus prisé de Paris. Et il est complété par quatre heures de maquillage.
Les costumes ont été créés par la maison Paquin et Pierre Cardin. Ils sont nécessaires pour installer l'histoire et caractériser le moment du film où l'on se situe
Il est aussi très drôle de savoir, que le réalisateur voulait tant qu'il y est de la magie dans ce lieu, qu'il avait déposé des talismans dans le jardin où il filmait.

Les personnages sont composés avec beaucoup de soin, pour être fidèles à ce que sont ceux des contes, prenons l'exemple de notre personnage central. Prenons l'exemple de

Belle. Belle est ce que Roland Barthes appel un «être de papier». Quelqu'un à qui on peut s'identifier, elle est nommée par l'une de ses caractéristique. Par exemple, dans d'autres contes on nomme blanche neige en fonction de son teint; le chaperon rouge de son habit; Belle c'est sa beauté qui la caractérise. Cocteau pour créer sa Belle, s'inspire encore d'un tableau, celui de Vermeer la jeune fille à la perle. Dans les premières minutes du film, c'est avec une coiffure et un port de tète semblable au modèle que Josette Day apparaît.
Elle joue d'une manière très théâtrale qui convient parfaitement à cette situation. Ça lui donne une aura de princesse sans en avoir le nom.
Elle répond aussi à un autre critère tous
les héros ont des problèmes familiaux à la genèse de l'histoire. La faillite de son père, le comportement de ses frères et sœurs en sont la parfaite illustration. Et il va y avoir des épreuves à surmonter et ce sont elles qui feront d'elles ce qu'elle sera à la fin du film. Il est bon de noter, pour nous qui avons vu une ou plusieurs versions de ce conte qu'il faut se libérer de la vision Disney. Ce n'est pas un jugement de valeur. C'est juste que par certains aspects l'histoire est très différente. Et certains peuvent être déçus.

Ce film est une des pierres angulaire du symbolisme au cinéma. Il est cité comme son parfait exemple. Il insiste sur la thématique du double et des faux semblants.
Le réalisateur fait par exemple jouer à Jean Marais, Avenant, la bête, et le prince charmant mettant en exergue des lors que la beauté physique va parfois de paire avec la noirceur de l’âme. L'inverse étant vrai aussi. Et parfaitement illustré par le personnage de la bête.
La mise en abîme est encore plus puissante lorsque l'on sait que l'acteur était considéré comme le plus belle homme du monde à cette époque. Et qu'il était le compagnon du réalisateur. Ce que l’œil voit ne raconte rien sur la vérité du cœur
Si les traducteurs de contes de fées disent que l'image de la bête, représentait à l'origine la sexualité. Maintenant elle symbolise l'amour, et combien la force d'un véritable amour peut vous sauver, et vous transformer. Et ça prend un autre sens lorsque l'on sait qu'au début du tournage le réalisateur sortait de désintoxication. Sevrage qui avait été effectué, pour faire plaisir et aidé par jean marais.


Orson Welles dit de ce film qu'il est «un Ruban de rêves» et je ne pourrai jamais conclure aussi bien

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