Les Diaboliques

by - avril 25, 2018




LES DIABOLIQUES
d'Henri-Georges Clouzot

En exergue de ce film, Henri-Georges Clouzot affiche un carton où il demande au spectateur de ne pas spoiler comme on le dit aujourd'hui. Preuve que quelque soit la période, il y a toujours eu des gens qui ont pris leurs plaisirs à gâcher celui des autres. J'ai donc décider de ne pas galvauder les rouages de cette histoire pour que vous puisiez pleinement profiter de ce film.

Dans un pensionnat de garçons Michel Delassalle, le directeur fait régner la discipline. Mais ce sont plus ces collaborateurs que les enfants qui le craignent. Celle qui est dans sa ligne de mire, est son épouse Christina qui est professeur d'anglais dans cette école. Bizarrement celle qui la défend est la maîtresse du directeur, Nicole.
Ce long métrage est avant tout une histoire efficace et extrêmement bien pensée. Inspirée par le roman de Boileau-Narcejac (Boileau-Narcejac est la signature commune de Pierre Louis Boileau et Pierre Ayraud, dit Thomas Narcejac), le scénario écrit par Clouzot prend le parti de s'éloigner de l'histoire originelle, rendant ce film encore plus diabolique.
Clouzot est l'homme orchestre de cette oeuvre, en plus de le réaliser et de le scénariser, il en est l'un des producteurs. Il créé un objet efficace, où quasiment chaque élément apparaissant à l'écran aura un rôle précis dans l'histoire. Ici rien n'est gratuit. Même les décors plus riches, tel l'intérieure de l'appartement de Niort ou la chambre de Christina sont les réservés d'accessoires clés pour la narration. Et ceci passe par une toile cirée ou une machine à écrire.
Le réalisateur choisit des décors dépouillés. L'internat est sans fioritures, bien loin des acajous et des uniformes de certains. Les salles de classe voire la court ou encore la piscine paraîtraient désolés s'il n'y avait pas un groupe d'enfants joueurs qui gravitent autour. Ces petits font partis du décors.
Ces garçons bien que venant de milieux aisés, sont habillés avec simplicités et pour la majorité sont interchangeables. Et c'est à l'image de tous les costumes de ce film, ceux des deux autres professeurs sont sombres et sans personnalités. Christina et Nicole ont des styles bien particuliers qui les rendent reconnaissables à la simple vue de leurs silhouettes. Seul le directeur a plusieurs costumes de styles différents, de tissus élégants, il sort du lot.
La réalisation est extrêmement précise. Filmé en 1.37, ce qui donne ici une sensation de «normalité» quasiment de «familiarité» ce film se concentre uniquement sur son histoire; pas d'intrigue secondaire, pas de chose venant la parasiter. Juste l'histoire, avec peu d'ellipses. Il y a une sensation d’être avec ses personnages en temps réel. Une sensation d'unité de temps, une sensation d'unité de lieu, et cependant pas du tout. La réalisation arrive à se concentrer sur ces trois personnes et à nous faire oublier tout le reste. Ils sont majoritairement filmés en gros plans. 
Le trio n’apparaît que peu ensemble, et le plus souvent c'est a des moments charnières de l'histoire. Et le triangle amoureux disparaît, pour laisser apparaître des duos chacun avec leurs enjeux et leurs limites propres. Et le coup de maître et de placer le spectateur dans les pas de l'un de ces trois personnages. Et il ne s'en apercevra qu'à la fin.
Ce triangle est constitué de Michel Delassale. Coureur de dote devenu directeur de l'école que finance sa femme. Mari volage qui collectionne les maîtresses qu'il malmène. La réalisation arrive en négatif à faire voir au spectateur cet homme frapper sa maîtresse et violer sa femme, le tout en moins de cinq minutes. Le rendant monstrueux à nos yeux et nous préparant à accepter tout ce que le scénario pourra lui infliger... ou le rendant capable de faire n'importe qu'elle cruauté, au choix.
Il est interprété par Paul Meurisse, qui est parfait en être odieux. Sa prestation est telle, que malgré son peu de temps de présence à l'écran, il habite ce film, et on a l'impression qu'il est présent à chaque moment.
Christina est l'épouse de Michel. Elle est la douceur incarnée. Elle a un petit coté «Sissi impératrice» avec deux grosses nattes qu'elle noue ensemble, un teint clair; d'une tenue composée de longues jupes qui partent en évasées typique des années 50 et d'un châle en laine dans lequel elle s'enveloppe. Elle incarne la fragilité, et lorsque son époux la baffe, le spectateur déteste cet homme. 
Elle est incarnée, par Vera Clouzot qui a une beauté et une aura lunaire ici. Il me semble tellement difficile d'interprétée une femme aussi fragile et tant déterminée. Elle est incroyable, mon bémol est dans l'interprétation de la pathologie dont elle est sensée souffrir qui est pour moi un peu trop théâtral. Ceci n'est que mon sentiment, et n'entache en rien tout le reste de sa prestation.
Nicole est le troisième sommet de notre triangle. Si Christina est la femme soumise, et assez traditionnelle; elle, elle est l'incarnation de la femme moderne. Femme qui a un emploi, qui a des revenus, et propriétaire d’appartements, une femme libre qui pourtant a un amant marié. Elle est toujours mise en valeur par de longues jupes droites qui flattent sa silhouette et de hauts talons. 
Simone Signoret qui lui prête ses traits est impériale. Elle est ambiguë et forte à souhait.
Ce film traîne dans son sillage une vraie mythologie. Sur certains de ces points des livres ont été écrits. Comme sur le personnage d'Alfred Fichet un commissaire à la retraite qui serait l'inspiration de l'inspecteur Colombo. Et effectivement, sa technique d'investigation est assez ressemblante à celle du policier américain.
Ou encore l'histoire assez incroyable de Boileau Narcejac (Boileau-Narcejac est la signature commune de Pierre Louis Boileau et Pierre Ayraud, dit Thomas Narcejac), il fut appelé par Alfred Hitchcock qui après avoir vu les diaboliques le voulait comme scénariste d'un de ses films et ce fut Sueurs Froides
Puis il y a tous les seconds rôles glorieux, certains des enfants deviendront des artistes et des musiciens célèbres. Mais il y a surtout les adultes comme Michel Serraut, ou Jean Lefevre qui au détour de petits rôles donnent encore plus d'épaisseur à ce film.


Ce film est vraiment extraordinaire. Appelez le classique, ou grand film, quelque soit les mots que vous choisirez regardez ce film.


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