Memories of Murder

by - mai 20, 2016


En 1986, dans la province de Gyunggi, le corps d'une jeune femme violée puis assassinée est retrouvé dans la campagne. Deux mois plus tard, d'autres crimes similaires ont lieu. Dans un pays qui n'a jamais connu de telles atrocités, la rumeur d'actes commis par un serial killer grandit de jour en jour. Une unité spéciale de la police est ainsi créée dans la région afin de trouver rapidement le coupable. Elle est placée sous les ordres d'un policier local et d'un détective spécialement envoyé de Séoul à sa demande. Devant l'absence de preuves concrètes, les deux hommes sombrent peu à peu dans le doute...

Memories of Murder – 23 Juin 2004 – Réalisé par Bong Joon-Ho

Depuis quelques années « Memories of Murder » est un film dont je n'entendais parler que par analogie. A la sortie de « True Detective » (saison 1) par exemple ou encore pour celle de « La Isla Minima » et il faut bien l'admettre que les comparaisons n'était pas surfaites. Sauf que le film à pour lui, cette rage qui vient de Corée du Sud, que des gars comme Park Chan-wook ou Kim Jee-woon ont amener dans nos contrés ! Cela implique une vision sans concession sur leur pays et leur histoire, qu'ils mettent aux services de récits comme celui de « Memories of Murder ».

Dans la province de Gyunggi, en pleine campagne, le calme ambiant est troublée par la découverte d'un horrible meurtre. La victime qui est une femme à été violée et tuée. Un crime d'une extrême sauvagerie que la Police n'a pas l'habitude de voir, ni de traiter. Une affaire qui se complique quand deux mois plus tard, d'autres victimes similaires sont découvertes et les rumeurs enflent sur la possible présence d'un sérial killer ! La police locale est bien démunie, même si un inspecteur de Séoul, rompu aux techniques d'investigations anglo-saxonne est dépêché sur place pour les aider ! Car les inspecteurs locaux ont des méthodes bien particulière, reflet d'une époque ou la corruption est de mise dans la police, sauf que cela ne marche pas ici et qu'il faudra bien faire autrement. C'est le départ d'une longue enquête ou les désillusions seront nombreuses et les désaccords aussi violent que particulièrement cocasse.



Le fait divers à l'origine de « Memories of Murder » est une série de dix viols et assassinats commis près de Hwanseong. De 1986 à 1991, le tueur frappa sans distinction dix femmes âgées de quatorze a soixante neuf ans. L’enquête fut pharaonique, elle impliqua deux millions de policiers sur cinq ans, elle se concentra sur 20 000 suspects. Les empreintes de 40000 personnes furent vérifiés et 570 prélèvements ADN furent étudiés, mais au final, le coupable ne fut jamais arrêté ! Si en Corée le délai de prescription pour ce genre d'acte est de quinze ans, les dossiers de cette enquête furent gardés malgré tout en raison de l'importance de cette affaire.

Bong Joon-Ho extirpe de cela une enquête au combien glauque, mais aussi une histoire d'hommes et de femmes à une époque bien particulière, dans une Corée qui se cherche une identité !


Le développement de l'histoire va suivre l'antagonisme entre les deux inspecteurs en charge de l’enquête. D'un coté Park Doo-man et de l'autre Seo Tae-yoon qui sont les deux faces d'une Corée du Sud qui ne se connaissent pas. Le premier est un inspecteur bourru, accroc aux méthodes illégales ou tout se fait à l'instinct, voir le hasard; tout le contraire de son homologue qui vient de Séoul, un inspecteur « moderne » qui réfléchit avant d'agir et évite les conclusions hâtives ! Le choc au moment de leur rencontre est assez fabuleux, car dans un premier temps on suit les élucubrations de Park Doo-man face à l'horreur que l'on nous dévoile et c'est assez déstabilisant de part le burlesque qui se dégage de ses réflexions. Son collègue tape le suspect sans aucune raison, Park falsifie des preuves, le manipule pour qu'il dise ce qu'il veut entendre, mais partage par la même occasion des repas sans aucun complexe ! Sauf que peu à peu le burlesque va s'effacer car les deux inspecteurs vont collaborer, les plongeant un peu plus dans le macabre.

L'inverse va alors se produire, Park Doo-man va peu a peu changer au contact de Seo Tae-yoon qui voit lui ses convictions remises en questions par cette affaire hors norme. Une chose que le réalisateur va capter avec beaucoup de maestria, en variant le rythme, l'ambiance et l'angoisse au gré des scènes qui vont se succéder sans faiblir. De plus à chaque nouvel élément du mode opératoire du tueur que nous propose Bong Joon-ho , le film se fait plus sombre, plus désespéré et plus poisseux, on peut ainsi apprécier les choix de lumières du chef op Hyung-ku Kim qui désature l'image le jour pour marquer la mort à l’œuvre dans ce lieu, a contrario de la nuit ou les couleurs sont très profondes, ou le contraste est marquée pour signifier la présence implacable du tueur. Cela jusqu'au climax de fin sous la pluie, qui n'est pas sans rappeler le chef d’œuvre de Fincher « Seven »


Mais ce film est aussi une part de l'histoire sud-coréenne ! Que l'on sent dans les personnages, leurs environnements et bien sur au niveau politique. L'histoire se passe à cheval entre les mandats de deux présidents, celui de Chun Doo-hwan (80/88) et de Roh Tae-woo (88/93). Le premier est le vestige de la dictature militaire de Park Chung-hee. Il maintient le régime militaire en place, il poursuit aussi le redressement du pays, mais il réprimande avec autorité toute contestation. Le second est quant a lui arrivé suite au première élection au suffrage universel, poussé par la vague énorme de contestation demandant toujours plus de démocratie. Si les efforts de Roh Tae-woo pour apaiser et libéraliser le pays sont louable, la corruption du régime pendant son mandat reste malgré tout toujours aussi grande! C'est ainsi que le silence de la population dans l'histoire paraît on ne peut plus logique, la corruption gangrène les rangs des autorités et les gens n'ont légitimement plus confiance en la Police, qui elle réprime sans aucune distinction toute manifestation opposée au président en place. Une politique qui influe aussi bien le climat ambiant de défiance à son égard que le travail de la police sur le terrain. En cela le titre international du film est très révélateur de ce que le réalisateur veut nous transmettre, il nous parle des souvenirs d'un pays meurtris qui doit avancer, mais qui ne peut oublier les atrocités des régimes passés …

Le casting quant à lui tient principalement sur les deux inspecteurs principaux ! Je parle évidemment de Kang-ho Song dans le rôle de Park Doo-man et de Sang-kyung Kim dans le rôle de Seo Tae-yoon. Deux acteurs qui sont en osmose tout au long du film, que cela soit comme antagonistes que comme équipiers, le premier apporte une bonhomie un brin maladroite totalement assumée, pendant que le second apporte toute sa retenue et prestance a son personnage. Et même si le jeu parfois outrancier de Kang-ho Song peut déstabiliser, il fait partie intégrante du film et du personnage au grand cœur qu'il est au fond. A cela on aussi ajouter la folie douce de Roe-ha Kim, le sérieux de Jae-ho Song, l'exubérance de Hie-bong Byeon et la belle prestation de Seo-hie Ko !

La Corée du Sud face à ses démons ! C'est juste brillant ... 


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2 commentaires

  1. Un de mes films préférés (il faut dire que je suis assez friande du cinéma coréen actuel), à voir effectivement car il est désormais une référence ! Je trouve que tu as vraiment su résumer le fond de ma pensée :)

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    1. C'est un grand film en effet et je suis content d'avoir pu résumer le fond de ta pensée :)

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